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De la liberté d’expression dans le jeu vidéo : USA 1 / France 0

Une journaliste de www.rslnmag.fr m’a demandé de commenter la décision de la Cour suprême américaine  du 27 juin dernier concernant l’application du 1er amendement (la sacrosainte liberté d’expression) au jeu vidéo. En cause, un projet de loi de l’Etat de Californie tendant à interdire la vente de jeux vidéo violents aux mineurs.   Les juges de la plus haute juridiction américaine, ont donc rendu l’arrêt Brown and Governor of California v. Entertainment Merchants Association. Et les éditeurs de jeux en sortent plus fort que jamais puisque les magistrats y affirment que les jeux vidéos sont un mode d’expression comme les autres qui ne peuvent être exclus de la protection du 1er amendement de la constitution.

La justification de cette loi selon l’Etat de Californie repose entre autre sur l’interactivité. Cette question de l’interactivité a été portée au débat sous un angle très psychanalytique : « California claims that video games present special problems because they are “interactive,” in that the player participates in the violent action on screen and determines its outcome. »

Or il est vrai que l’interactivité est le vrai critère différenciant entre le jeux vidéo et les autres formes d’expression. C’est même en droit français ce qui permet de distinguer l’oeuvre multimédia de l ‘oeuvre purement audiovisuelle, avec tous les enjeux que cela représente. Mais ne nous ne somme pas sur le même terrain, car nous parlons là de qualification juridique et non de l’effet psychologique que l’interactivité peut avoir sur les consommateurs.

Les magistrats de la High Court ont d’ailleurs écarté cet argument en relevant que l’interactivité existait dans de nombreux modes d’expression de longue date.  Ils citent ce que je traduirais par les « aventures dont vous êtes le héros » ouvrages littéraires à scenario multiple et ponctué de combat à la façon d’un jeu de rôle :  » The latter feature  is nothing  new: Since at least the publication of The Adventures of You: Sugarcane Island  in 1969, young readers of choose-your-ownadventure  stories have been able to make decisions that  determine the plot by  following instructions about which page to turn to« . Souvenir, souvenir !!

Un des magistrats relève même que toute littérature est interactive si l’on conçoit que tout bon roman doit être interactif en ce qu’il imerge le lecteur dans l’histoire au point de le faire s’identifier au personnage, et ainsi à en expérimenter les émotions bonnes ou mauvaises (traduction arrangée !). Je ne partage pas intégralement ce point de vue mais passons. En résumé, l’interactivité ne peut donc justifier l’exclusion des jeux de la protection du 1er amendement.

La question de ma journaliste était de savoir qu’elles étaient les répercussion de cette décision. Ma réponse fut que cela pouvait éventuellement confirmer que le jeu vidéo est une forme d’expression aussi noble que les autres et que son caractère ludique n’empêche pas qu’il est un mode d’expression à l’égale des oeuvres cinématographiques ou littéraires. A ce compte, cette décision pourrait être utilisée d’une façon politique notamment pour parler subvention du secteur de la production. Je laisse ça au SNJV s’ils me lisent :) .

Sur le plan juridique, si l’on veut bien transposer le débat en France, il convient de rappeler que la loi interdit depuis longtemps la publication de contenus violents ou autres qui seraient mis à la disposition des mineurs.

Citons :

L’Article 227-24 du code pénal qui prévoit que :

« Le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine ou à inciter des mineurs à se livrer à des jeux les mettant physiquement en danger, soit de faire commerce d’un tel message, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur.

Lorsque les infractions prévues au présent article sont soumises par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle ou de la communication au public en ligne, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables. »

Ajoutons une loi parfois oubliée du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, et qui à mon avis peut s’appliquer au jeu vidéo qui donne le pouvoir au ministre de l’intérieur d’interdire la mise en vente ou la publicité de « (…)publications de toute nature présentant un danger pour la jeunesse en raison de contenus à caractère pornographique ou susceptibles d’inciter au crime ou à la violence, à la discrimination ou à la haine contre une personne déterminée ou un groupe de personnes, aux atteintes à la dignité humaine, à l’usage, à la détention ou au trafic de stupéfiants ou de substances psychotropes »

Tout cela fixe le débat. C’est dire que ce pour quoi ils se battent aux US et bien tout cela est déjà acquis  en France et que l’interdiction existe belle et bien. Comment est-elle appliquée au jeu ? Là est la question. Car l’industrie du jeu s’auto-régule (/censure) en règle générale notamment en passant volontairement tout nouveau jeu sous les fourches caudines du système d’information PEGI .

Cependant, il faut mettre en garde à mon sens les nouveaux éditeurs que sont les studios qui auto-éditent leurs jeux notamment à destination de support tels que les terminaux mobiles. Si ces textes font rarement parler d’eux, cela ne veut pas dire qu’il ne peuvent pas être mis en oeuvre par les autorités publiques notamment sur alerte des associations dédiées à la protection des têtes blondes et de la morale bien pensante.

Par ailleurs les textes sus-mentionnés ont été modifiés et remis à jour à l’occasion de la loi du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit. Pour vous convaincre que ces textes ont bien vocation à être utilisés.


Gérald SADDE – avocat in a law Battlefield (3 ?)



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Aléas et limites de la publicité ciblée : mon cochon tout doux

Cela fait longtemps que je n’ai rien écrit faute de temps mais là je n’ai pu résister…

Parfois la publicité me fascine, parfois elle m’horripile, parfois elle me fait rire (c’est le cas que je préfère d’ailleurs). Dans notre cas je ne sais pas ce que je dois en penser. Je me suis trouvé en présence d’un loupé de publicité ciblé à mon sens.

Il faut admettre que la publicité ciblée a au moins un avantage en général, celui de vous proposer des produits en rapport avec vos recherches du moment sur le net. Cela peut devenir particulièrement exaspérant lorsque l’on vous repropose en permanence des produits dont vous avez abandonné l’achat. Cela peut même devenir d’une particulière lourdeur suivant le mode d’affichage de la publicité. Je me faisais d’ailleurs la réflexion récemment qu’une telle insistance publicitaire pouvait avoir une influence sur les esprits faibles ( le mien ? ). Or, la loi Chatel en 2008 nous a fait le présent d’une, sans doute obscure, mais bien réelle infraction concernant les « pratiques commerciales agressives« .

Article L122-11
Créé par LOI n°2008-3 du 3 janvier 2008 – art. 39
Une pratique commerciale est agressive lorsque du fait de sollicitations répétées et insistantes ou de l’usage d’une contrainte physique ou morale :

1° Elle altère ou est de nature à altérer de manière significative la liberté de choix d’un consommateur ;

2° Elle vicie ou est de nature à vicier le consentement d’un consommateur ;

3° Elle entrave l’exercice des droits contractuels d’un consommateur.

Ne trouvez-vous pas qu’il pourrait il y avoir là quelque terrain à des actions pénales ? Cela n’a pas eu lieu à ma connaissance mais ce texte est effrayant tant il est accueillant même interprété strictement.

Mais voilà, je voulais faire un billet sympa et je me mets à parler de pénal ! Non, la vérité est que j’ai beaucoup ri  lorsque je suis tombé sur cette étrange espace publicitaire géré par google et juxtaposant deux films, l’un pour des bandes épilatoires, l’autre pour le jambon AOC ou je ne sais quoi. De voir les pintades à côté des cochons et les jambes imberbes à côté des jambons,  je me suis dit qu’il y avait un gros #FAIL comme on dit sur Twitter !

Je me demande vraiment pourquoi je me retrouve avec de la pub pour des bandes de cire, à moins qu’ils sachent tout de ma vie nocturne !! Sont forts chez Google. Ou alors tout cela est pensé et alors là c’est totalement machiavélique car je suis tombé dans le panneau (publicitaire) en faisant ce billet.

Réellement, le ciblage de la publicité a ses limites et je doute que Veet l’annonceur soit ravi de savoir qu’il paye pour que son super spot côtoie une chose si peu glamour que le jambon cru.  Remarquez c’est peut être le moteur sémantique de Google qui a fait des merveilles : après tout entre le jambon et la cuisse il n’y a que  quelques gènes.

Gérald SADDE _ Avocat lyonnais amateur de cochon

PS : à ceux qui n’ont pas compris le titre, cherchez un peu sur google sur l’affaire « mon minou tout doux » ! Veet est en grande forme en ce moment !

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Logiciels sur mesure : quelques points à anticiper

La réalisation d’un logiciel sur mesure par un tiers est l’occasion de nombreux questionnements juridiques mais aujourd’hui certains dossiers m’amènent à réfléchir sur des cas de plus en plus courants dans lesquels on remarque une certaine complémentarité entre le prestataire et son donneur d’ordre, entre le spécialiste et son développeur. Ces cas dépassent largement le cadre de l’hypothèse classique du « prestataire qui réalise un logiciel conforme à un cahier des charges établi ensemble ». En réalité, on retrouve aussi ce cas dans certaines relations de partenariat entre prestataires de services. Le partenariat est d’ailleurs peut-être plus révélateur de la véritable relation qui unit les parties.

Plus concrètement, il s’agit souvent pour l’une des parties de transmettre à l’autre qui est un développeur, un savoir, des connaissances ou des données. A charge alors pour le plus technicien des deux de mettre en formes ces éléments afin de constituer une application, que l’on appellera logiciel métier, serious game, logiciel expert, logiciel d’audit, logiciel de simulation ou autre … Autant de noms qui désignent en fait des applications qui ne font que matérialiser et modéliser le savoir-faire d’un sachant ou d’une entreprise.

Cette transmutation qui peut sembler sans doute anodine, recèle quelques surprises juridiques  sur deux points principaux. Le premier point concerne la détermination de la propriété du logiciel. Plus exactement, la question est de déterminer si la partie qui fournit le savoir-faire a accès au droit d’auteur à l’instar du développeur. En effet, rien n’est moins certain puisque notre pauvre spécialiste ne donne a priori que du contenu qui est mis en forme par le prestataire sur la seule tête duquel va naître le droit d’auteur. Attention néanmoins à ne pas tomber dans la caricature car certaines formes de collaboration vont certainement ouvrir droit au statut d’auteur à notre spécialiste. De là à dire que l’œuvre ainsi constituée est co-développée, il n’y a qu’un pas que nous ne franchirons pas. A tout le moins la structure de l’œuvre (et non celle de son code source) aura été co-réfléchie. Enfin il conviendra certainement de différencier les cas où le logiciel est au final la seule matérialisation du savoir-faire, des autres cas où le contenu aura été mis en forme par d’autres moyens (ouvrages, formations, etc.)

Deuxième point critique, celui de la responsabilité vis-à-vis de la fiabilité, ce dernier ne concernant que les logiciels dont l’usage ou la fiabilité des fonctions peuvent s’avérer critiques. Ce sera particulièrement  le logiciel d’aide au diagnostic ou l’ensemble des logiciels d’aide à la décision mais aussi les serious games. En cas de fonctionnement erroné aboutissant à un préjudice pour l’utilisateur ou un tiers, la question pourra se poser de qui du développeur ou de l’expert est à blâmer. Seule une analyse poussée du dysfonctionnement de l’application  semble alors pouvoir en révéler la nature :

  • Soit un problème relevant des données intégrées => responsabilité du spécialiste.
  • Soit un problème relevant d’une pure erreur de programmation (bug) => responsabilité du développeur.
  • Soit un problème relevant de la conception globale de l’application => responsabilité du développeur ou partagée avec  le spécialiste.

Face à ce type de partenariat, seul le contrat peut déterminer à l’avance la répartition des droits et des responsabilités de chacun. A bon entendeur…

Gérald SADDE – Avocat plein de savoir faire !

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