J’ai toujours eu tendance à penser qu’il était anormal d’imposer une taxe sur des supports numériques qui ne demandent rien à personne au simple motif que les utilisateurs finaux sont supposés pouvoir en faire un usage « illégal », à savoir recopier une œuvre. Finalement cela revient à instaurer une présomption de culpabilité sur la tête de chaque acheteur. Pour autant il est tout à fait possible d’utiliser un support de stockage numérique de manière tout à fait légale, et dans ce cas là, pourquoi je paierais des artistes que je ne connais même pas. De toute façon je n’aime pas les artistes. Un artiste ça devrait rester pauvre et ne faire que de la scène . En l’espèce c’est tout l’inverse puisqu’à la moindre exception au droit d’auteur, comme le droit de copie privé, les États membres sont censés leur octroyer une compensation équitable à cette « insupportable » atteinte à leur droit d’autoriser ou d’interdire la reproduction de leur œuvre.
Une question préjudicielle a été posée en la matière à la Cour de Justice de l’Union Européenne par une juridiction Ibérique. Juridictions dont un de mes étudiants du pays m’a rapporté qu’elles étaient particulièrement bienveillantes vis-à-vis des méchants contrefacteurs que sont les utilisateurs de peer-to-peer.
Je vous livre ici le meilleur morceau tel quel :
Par ses troisième et quatrième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, aux termes de l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29, il existe un lien nécessaire entre l’application de la redevance destinée à financer la compensation équitable à l’égard d’équipements, d’appareils ainsi que de supports de reproduction numérique et l’usage présumé de ces derniers à des fins de reproduction privée. Elle demande également si l’application sans distinction de la redevance pour copie privée, notamment à l’égard desdits équipements, appareils et supports de reproduction numérique manifestement réservés à des usages autres que la réalisation de copies à usage privé, est conforme à la directive 2001/29.
La réponse de la Cour :
Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux troisième et quatrième questions que l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 doit être interprété en ce sens qu’un lien est nécessaire entre l’application de la redevance destinée à financer la compensation équitable à l’égard des équipements, des appareils ainsi que des supports de reproduction numérique et l’usage présumé de ces derniers à des fins de reproduction privée. En conséquence, l’application sans distinction de la redevance pour copie privée, notamment à l’égard d’équipements, d’appareils ainsi que de supports de reproduction numérique non mis à la disposition d’utilisateurs privés et manifestement réservés à des usages autres que la réalisation de copies à usage privé, ne s’avère pas conforme à la directive 2001/29.
Voilà qui me confirme au moins que la taxe ne peut être absolument générale. Mais cela n’est vrai que dans des cas où il s’avère impossible que les équipements en cause soient utilisés à des fins de réalisation de copies à usage privé. Cela signifie, qu’il ne doit pas y avoir de POTENTIALITÉ d’usage à des fins de copie privée.
En effet, la Cour nous rappelle douloureusement que » la simple capacité de ces équipements ou de ces appareils à réaliser des copies suffit à justifier l’application de la redevance pour copie privée« . Encore faut-il que les copieurs potentiels y aient effectivement accès. La potentialité de copie suffit en ce sens qu’il importe peu que les utilisateurs se livrent ou non effectivement aux actes de copie. Mais il convient par contre de vérifier si dans les faits, ces actes ne sont pas totalement impossibles.
Gérald SADDE – Avocat payeur de taxes potentiellement non dues