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« Courir nu dans une église en poursuivant l’Evêque Qu’est-ce qu’on en fait une fois qu’on l’a attrapé ? »

Fire skull © -Misha - fotolia.com#10920298

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Toujours en quête de titres  faciles et tapageurs à même de générer des taux de lecture proportionnellement inverses à mes taux de rebond, je vais vous parler d’un petit référé qui n’a d’intérêt que parce qu’il concerne l’une des septièmes merveilles du net qu’est Facebook. Ces nids à diffamations que sont les groupes Facebook font enfin parler d’eux en justice et c’est un évêque qui s’y colle. Moi qui croyait qu’il tendrait l’autre joue il faut croire qu’il s’agissait plus d’une fessée et que l’homme d’église n’était pas prêt à se laisser rougir l’intégralité du séant.

Pour ma part, relisez bien la question posée dans le titre qui était aussi le  titre du groupe Facebook je trouve en mon âme et conscience (plus ou moins athée) que la question mérite d’être posée.  La bêtise eut été de s’arrêter au postulat de base de  » Courir nu dans une église en poursuivant l’Evêque ». Car manifestement, libre de vos mouvements dans la tenue d’Adam (ou d’Eve) vous avez toutes vos chances à la course face à la casaque blanche avec croix rouge et toque assortie. Dès lors, le groupe n’a que peu d’intérêt car le débat va rapidement se tarir au sein des participants. Dès lors autant envisager les suites de ce postulat : j’en fait quoi tabernacle de ce pauvre homme ?

Nous n’aurons sans doute jamais la réponse et la science  y perdra autant que l’humour aurait perdu à ne pas connaître le Kamoulox.  La faute en revient au Tribunal de grande instance de Paris  qui par une Ordonnance de référé du  13 avril 2010 vient de foudroyer en plein vol la dialectique montante de ce si beau débat autour des sévices corporels à infliger à l’ecclésiaste accusé je crois de pédophilie. Je vous laisse libre d’aller consulter les morceaux choisis reproduits dans le jugement et que le respect des artistes m’empêche de reproduire ici indûment. Je n’en finis pas de m’émerveiller devant l’imagination  et la créativité que suscitent l’interactivité des réseaux sociaux même si l’on reste en général dans un champ lexical assez intuitif.

Devant ce verbiage étalé aux yeux de tous, l’évêque ne pouvait certes demeurer chaste de tout sentiment belliqueux. Faut pas pousser mémé dans les orties comme dit l’adage juridique bien connu. Donc voilà notre évêque qui assigne en référé Facebook mais attention,  Facebook France en tant que représentant de Facebook UK LTD, afin d’obtenir la suppression du groupe.

Les magistrats du TGI de Paris vont reconnaître que le groupe porte atteinte à l’homme d’église au visa de plusieurs textes :

1/ violation de l’article 9 du code Civil et du droit à l’image de l’évêque puisqu’il est « constaté que la publication sur le site litigieux de la photographie du demandeur, sans son consentement et en dehors de tout fait d’actualité relevant d’une information légitime du public, porte atteinte à son droit à l’image »

2/  « les commentaires poursuivis présentent un caractère soit injurieux, soit susceptible de provoquer à la haine ou à la violence, ces contenus apparaissant ainsi manifestement illicites »

Le Tribunal, sans surprise, considère ensuite que Facebook n’est que l’hébergeur technique des contenus hérétiques et qu’aucune croisade ne peut être menée contre la société mais le jugement donne raison au demandeur en ordonnant l’exécution des mesures de retrait et d’ interdiction présentées.

De plus, toujours en vertu  de la loi du 21 juin 2004 sur la confiance dans l’économie numérique, le Tribunal va ordonner à Facebook la communication des  données de nature à permettre l’identification des auteurs des mises en ligne litigieuses.

Je m’amuse avec le vocabulaire clérical depuis le début mais cela n’est vraiment pas neutre dans l’histoire. En effet le Tribunal relève que Facebook a été valablement avertie par deux fois  du contenu illicite par lettre recommandée avec avis de réception au sens de l’article 6-I de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. Or devant les propos en cause, Facebook aurait dû réagir. L’absence de prompte réaction face à des faits manifestement illicites engage la responsabilité de Facebook et notre évêque aurait pu demander réparation s’il n’avait fait vœu de pauvreté.  Et le tronc de la paroisse que diable !!

Internet devient parfois un outil diabolique où se déverse tout ce que l’humanité a de plus écœurant. Il y a des sites où tout cela fermente, nourrissant des idées qui n’ont pas lieu d’être partagées ni commentées.  Voilà un domaine où l’automatisation des condamnations serait un vrai plus et un combat peut-être moins vain qu’en matière de contrefaçon . En réalité, je suis de plus en plus convaincu qu’il convient d’opérer une identification systématique des personnes qui publient sur la toile. Le moyen est simple : l’éditeur du service quelqu’il soit (oui même un blog, même le mien) pourrait demander à tout contributeur le paiement d’un euro symbolique. L’identification serait ainsi assurée par le système bancaire. Économiquement et socialement cela n’est  pas fou dans la mesure où le contributeur va pouvoir capitaliser sur une identité numérique renforcée par cette identification. De son côté, l’éditeur du service se retrouve avec des contributeurs peut-être moins nombreux certes mais bien plus qualifiés.

Bon, toujours est-il que le message est passé : oui les groupes Facebook peuvent être fermés s’ils sont nauséabonds et font du mal, et ce, par la voie judiciaire mais pas obligatoirement (par expérience). J’encourage même tout le monde à leur faire la chasse.

Gérald SADDE - Avocat du diable (oui elle est facile :) )

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L’argent public a-t-il une odeur en matière de protection des bases de données ?

Un petit mot rapide d’une nouvelle jurisprudence en matière de base de données. Le droit sui  generis des bases de données a connu de nombreuses précisions ces dernières années à force de décisions. Ce que je considère comme étant un étrange droit s’étoffe peu à peu depuis sa transposition en droit français en 1998.  Avec son arrêt du 23 mars 2010  la Cour de cassation met un terme à l’une des plus anciennes affaires en ce domaine puisque celle-ci a débuté environ en 1998 aussi. De plus l’affaire ne concerne ni plus ni moins que la commercialisation par un tiers de sa base annuaire.

L’intérêt de l’affaire s’est peut-être un peu émoussé avec le temps et d’autres décisions intervenues plus rapidement. Mais le cas reste unique en cela qu’il implique France Télécom  (FT) en tant que service public. Je ne rentrerai pas dans le volet droit de la concurrence de l’affaire mais cet aspect explique pourtant en partie pourquoi la société LECTIEL a pris le risque de recopier servilement l’annuaire de FT pour en faire une exploitation commerciale. Cette base était en effet la seule existante puisqu’elle était l’émanation d’un service public soumis à monopole. (voir commentaire sur legalis.net pour plus de précisions sur les faits)

Ce qui nous intéresse découle directement de cette situation car c’est grâce à ce statut de mission de service public que LECTIEL  a tenté de justifier de la non protection de l’annuaire  de France Télécom par le droit sui generis prévu par l’article L. 341-1 du code de la propriété intellectuelle. Selon ce texte cette protection n’est applicable qu’au producteur d’une base de données ayant pris l’initiative et le risque des investissements correspondants. Or LECTIEL soutenait que la constitution de l’annuaire n’était que la conséquence de l’exercice par FT de sa mission de service public et qu’elle n’avait, en conséquence, pris aucun risque en terme d’investissements puisque étant  financé indirectement par les contribuables.

Cette théorie impliquait donc que la notion fondamentale d’investissement de la loi de 1998 était incompatible avec une personne qui ne courrait aucun risque dans le financement de ses investissements. Cette analyse de la nécessité d’une prise de risque est unique à ma connaissance et rend cette décision intéressante. La cour va trancher le débat en reprenant les conclusions de l’expert qui a reconnu que FT avait était au-delà de sa simple obligation de constituer et maintenir un annuaire public. La base n’est pas  « constituée seulement des renseignements fournis par les abonnés mais (…) est enrichie d’autres informations, dont plus de la moitié viennent de la société France Télécom, de façon à former un ensemble spécifique pour lequel celle-ci a conçu et défini les opérations utiles en leur affectant les moyens correspondants« . L’expert a listé ensuite les investissements correspondants que la cour relève : sept cent trois hommes par mois de travail correspondant à 10,6 millions d’euros entre 1992 et 2000. La Cour de cassation donne donc  raison à la Cour d’appel d’avoir reconnu à FT la protection du droit sui generis sur la partie de la base de données qui correspond à un enrichissement de la base correspondant au seul annuaire (tout ce qui va au-delà du nom prénom, adresse, numéro de téléphone, donc je suppose).

On a donc le sentiment que la Cour entérine l’importance de la prise de risque dans la reconnaissance  de la réalité des investissements, eux-même sésame indispensable pour bénéficier de la protection. Le fait que la Cour déporte la reconnaissance du droit sui generis sur les éléments non imposés par la mission de services public semble démontrer a contrario qu’il n’y a effectivement aucune protection ouverte pour l’annuaire dans ses données les plus basiques conformément à la défense de LECTIEL. L’investissement doit-il donc être obligatoirement risqué pour le producteur ? S’agit-il d’un critère ignoré jusqu’alors ? J’en doute ! La Cour de cassation confirme surtout le fait que le Producteur d’une base de données  est celui qui finance sa constitution et son entretien, c’est à dire ici, l’Etat français qui en était commanditaire. Dés lors n’est ce pas plus sur la notion de Producteur que la décision est intéressante ? La Cour ne nie certainement pas le caractère protégeable de la base annuaire publique qui a elle aussi nécessité des investissements substantiels, mais nie plutôt que FT en soit le Producteur et propriétaire puisqu’elle a été financée par des deniers publics dans le cadre d’une mission de service public. Dés lors, que devons-nous penser alors de la base constituée hors mission de service public alors même que les investissements nécessaires à sa constitution ont sans doute  tout autant été financés par des fonds publics dans un premier temps à tout le moins. Cette distinction n’est-elle finalement pas un peu étrange ?

Gérald SADDE – Avocat à moitié convaincu

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De tous mes alliés, la Force est le plus puissant…

YODALa force majeure est une notion indispensable en droit des contrats. Elle permet de réintroduire dans les relations contractuelles un certain pragmatisme face aux évènements qui manifestement sont de nature à empêcher l’un des cocontractants d’exécuter ses obligations malgré sa bonne foi. Lorsque je veux marquer les esprits j’explique que la force majeure consiste en général dans un évènement lourd de type désastre naturel, le tremblement de terre ou autre. La jurisprudence a bâti toute une construction sur les quelques mots de l’article 1148 du Code civil. Les magistrats estiment qu’il est nécessaire de réunir 3 critères afin qu’un évènement relève de la force majeure : l’extériorité, l’irrésistibilité, l’imprévisibilité.

Bon en réalité, les choses ne sont pas aussi précises que cela. L’extériorité, on ne peut pas trop y échapper puisque l’évènement ne doit pas être du fait de la personne qui se prévaut de la force majeure. Mais les notions d’irrésistibilité et d’imprévisibilité sont plus fluctuantes. L’exigence de l’une ou de l’autre peut être plus ou moins réduite au minimum. En effet, une chose peut être totalement prévisible mais aussi totalement irrésistible. En même temps un évènement totalement imprévisible devient de fait quasi irrésistible lorsqu’il se présente car rien ne peut avoir été mis en place pour s’en protéger.

Vous l’aurez compris, il s’agit souvent pour les juges d’analyser finement les faits qui leur sont exposés. Un Arrêt de cassation du 17 février 2010 permet une fois encore de constater la souplesse de cette notion fondamentale de notre droit en matière d’informatique cette fois. L’affaire concerne en fait un problème de virement bancaire automatique qui n’a pas été effectué en temps et en heure suite à un bogue informatique du système informatique de la banque. En général un tel retard n’est pas dramatique mais en l’espèce il s’agissait de la dernière échéance d’une régularisation de retard de paiement de loyer pour un bail commercial. Le propriétaire, qui n’attendait que cela semble-t-il, ne voyant pas la 18ème échéance arriver, relance la société  qui met encore 2 jours pour régulariser la situation une fois informée, et lui fait délivrer un commandement de quitter les lieux. Tout cela à cause d’un bogue du côté de la banque que l’avocat de notre malheureux locataire veut faire passer pour un évènement de force majeure.

Et la Cour d’appel puis la Cour de cassation vont lui donner raison. La Cour va reprendre les faits en notant tout d’abord que rien ne pouvait laisser prévoir que le 18ème virement aller poser un problème technique inconnu des 17 premiers. Ensuite, la Cour va relever que la période estivale et de fin de semaine rendait irrésistible l’évènement en raison de la difficulté consécutive à contourner les effets du bogue. Enfin, la banque, bien qu’agissant sur ordre a été considérée comme un tiers n’ayant par nature aucune raison ni intérêt à provoquer un tel incident de paiement. Donc, force majeure il y a selon la Cour !

Alors voilà, vous êtes content de cet article mièvre ? Moi je trouve qu’on y apprend pas grand chose mais ce n’est pas de ma faute, c’est cette jurisprudence qui m’a fait saliver. Imaginez, on m’a attiré avec une histoire de force majeure reconnue en matière d’informatique. Moi je m’attendais à ce qu’un prestataire informatique se sorte le séant du brasier en prouvant qu’il ne pouvait pas prévoir que son système avait totalement explosé en vol. J’attendais une démonstration honteuse, une obligation de moyen qui aurait mal tourné. Et je me trouve face à ce pauv’ locataire victime d’une boulette informatique de sa banque. Vous aurez sans doute appris des choses mais je vous le dis : tout cela est miteux.

Il fallait qu’il se retourne contre sa banque (peut-être est-ce fait d’ailleurs) ! Là on pouvait rigoler un moment avant de voir la banque bénéficier de la force majeure sur l’obligation d’un ordre de virement permanent. Faites comme moi et retenez donc que cette affaire ne concernait pas du tout un problème de force majeure en informatique. Me voilà trahi par un effet d’annonce d’un autre site ou je ne sais plus qui.  Les gens qui font des titres racoleurs pour leurs articles moi ça m’écœure :) .

Gérald SADDE – Padawan en mal de sensationnel…

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