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Limiter sa responsabilité dans les contrats informatiques

Je souhaite revenir sur un Arrêt de cassation du 29 juin 2010 opposant la société Faurecia à Oracle. Je ne sais pas si on l’appellera « l’arrêt Oracle », mais cette jurisprudence mérite certains égards. En effet, nous sommes sur une question assez fondamentale du droit des contrats : la validité des clauses limitatives de responsabilité. Il s’agit des clauses venant fixer entre professionnels, le périmètre de la responsabilité que chacune des parties est prête à endosser en entrant en relation contractuelle avec l’autre pour l’objet déterminé au contrat.  Cette clause limite la plupart du temps aussi bien le type de dommage endossé que le montant maximum de l’indemnisation maximum.

Ces clauses sont souvent perçues comme des clauses générales, c’est-à-dire que l’on ne lit que distraitement ou pas du tout. Il y a en effet un phénomène d’usure pour le professionnel,voire le praticien, qui s’explique par le fait que ces clauses sont systématiques et font totalement « partie des meubles ». C’est un tort car ces clauses sont capitales, c’est d’ailleurs exactement pour cela qu’on les retrouve systématiquement ! Les habitués savent que ces clauses sont importantes et voudront en avoir , mais peu sont ceux qui vont négocier ces clauses dans le détail.  Et pourtant, la cour de Cassation, nous le confirme une fois encore, ces clauses entre professionnels sont d’une résistance redoutable devant les juridictions. La preuve en est que Oracle, qui a notoirement manqué à ses engagements envers Faurecia ne s’en sort qu’avec 200 k€ à payer environ. Faurecia, tous postes de préjudices confondus  réclamait 61 278 500 d’euros. Certes, nous connaissons la tendance naturelle à gonfler le préjudice, mais tout de même 61 millions d’euros d’écart, c’est un gouffre!

Vous allez me dire : comment diable cette somme a t-elle pu fondre comme des glaces à l’eau Picard dans le compartiment à glaçons du réfrigérateur du cabinet en plein mois de juillet  (vécu inside) ? Même si Oracle et miracle riment, de ce dernier, il n’y a point eu. Tout le mérite en revient à notre clause limitative de responsabilité qui avait le mérite d’être là et qui a vaillamment résisté aux assauts de Faurecia. La Cour de cassation vient nous dire que la clause est totalement valable en ce qu’elle ne rend pas le contrat léonin. En effet une clause qui limite par trop la responsabilité est sans doute très belle et satisfaisante sur le papier mais elle peut surtout déséquilibrer le contrat en éliminant toute responsabilité. A ce titre, une clause qui serait totalement exclusive de responsabilité sur le résultat de l’ensemble des obligations d’une partie ou sur une obligation essentielle serait clairement nulle. La cour de Cassation confirme la position des magistrats d’Appel en affirmant que la limite de responsabilité était plus un choix éclairé des parties au contrat, et qu’elle reflétait leur prise de risque respective. Il faut dire qu’il semble qu’il y avait une sorte de partenariat derrière ce contrat, Oracle ayant fait une remise de prêt de 50 % à Faurecia qui devait l’aider à définir les caractéristiques d’un produit destiné aux équipementiers automobiles distribués avec la version 12 d’Oracle Applications.

L’autre moyen de faire tomber une telle clause pour le demandeur est de prouver qu’il y a eu une faute lourde à l’origine de l’inexécution.Sur ce point la réponse de la Cour est simple et massive : « Mais attendu que la faute lourde ne peut résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle,  mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur ».  Il doit donc il y avoir des faits, des agissements d’une certaine gravité … Oui je sais c’est terriblement imprécis. Traduction : le prestataire doit être un demeuré fini et commettre des erreurs professionnelles confinant à la volonté de nuire !

On voit dans cette affaire à quel point les magistrats ont évalué le fait que la clause de limite de responsabilité était en cohérence avec l’esprit du contrat et la prise de risque de chaque partie. L’implication de Faurecia dans le processus devant aboutir à la Version 12 du programme semble en fait capital.  En effet, c’est justement cette version 12 qui devait être livrée à Faurecia à terme et qui ne l’a jamais été, générant ce contentieux. Les magistrats semblent avoir estimé que la clause reflétait la prise de risque acceptée par Faurecia, de signer un contrat dans l’attente d’une version du logiciel qui était encore en construction, chose qu’elle ne pouvait ignorer étant donné son rôle de consultant à l’élaboration. C’est presque admettre l’existence d’un aléa accepté par Faurecia qui vient renforcer la validité de la clause de limite de responsabilité. Je suis donc d’avis de considérer cet Arrêt avec prudence à la lueur des faits. D’autant que la livraison de la version 12 n’est en fait pas du tout mentionnée au contrat en cause.  Difficile de défendre alors qu’il s’agit d’une prestation essentielle même si des éléments de preuve extra-contractuels ont du être apportés. J’en déduis avant tout qu’une telle clause doit être rédigée en tenant compte de l’esprit du contrat.

Pour continuer dans les éléments de modération de cet Arrêt, je relève tout de même un élément qui me choque quelque peu : on découvre dans les motivations de Faurecia que la dite clause de limite de responsabilité reproduite infra, n’était présente que dans le contrat de licence. Ainsi la question de la  livraison de la version 12 n’était pas couverte par cette clause. Mis bout à bout, les éléments contenus dans cet arrêt nous laissent à penser que cette histoire de version 12 n’apparaît nulle part dans les contrats et que les magistrats ont extrapolé l’application de la licence de la version existante à la livraison de la version 12. Tout cela me semble discutable même en tenant compte de la capacité des magistrats à interpréter la volonté des parties.

Comment peut-on se voir appliquer une clause contractuelle pour des obligations en dehors du périmètre du contrat puisque non stipulée ? Troublant.

Comment peut on estimer qu’une clause n’est pas excessive alors même que le contrat qui l’a contient n’a rien à voir avec le litige ? En tenant compte des faits certainement.

Faurécia aurait-elle accepté une telle limite de responsabilité dans un contrat prévoyant spécifiquement le futur de la relation avec Oracle ? Rien n’est moins certain, donc faites de vrais contrats pour ne pas avoir à répondre aux deux premières questions dont je n’ai pas les réponses :) .

J’ajouterai pour finir, que la clause de limite de responsabilité doit être élaborée dans un souci de cohérence avec les autres clauses du contrat et notamment la clause d’assurance. Il ne sert à rien de se battre pour obtenir de son prestataire une police d’assurance à 10 Millions si la clause limitative de responsabilité a pour effet de limiter le préjudice à 1 Million, sauf à compter sur une nullité de la clause décidément bien difficile à obtenir…

Retenez tout de même que la clause de limite de responsabilité est une clause particulièrement importante et fiable.


Gérald SADDE – Avocat, pas oracle !

Note – la clause de limite de responsabilité en question :

« aucune des parties ne sera responsable des dommages indirects, y compris les pertes de profits, revenus, données ou usage de celles-ci, encourues par l’autre partie ou un tiers, même si la possibilité de tels dommages a été évoquée entre les parties. Sauf dispositions contraires de la loi, la responsabilité pour dommages directs d’Oracle au titre des présentes ne saurait excéder le montant du prix payé par le Client au titre du présent contrat ; et dans la mesure où ces dommages résultent de l’utilisation des Programmes ou services ayant causé le dommage, le montant du prix payé par le client pour les Programmes ou services ayant causé le dommage. Les stipulations du présent contrat répartissent le risque entre Oracle et le Client ; les prix convenus reflètent cette répartition du risque et la limitation de responsabilité qui en résulte »



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Le logiciel comme un service ou « SaaS »

Pour ceux qui ne voient pas de quoi je veux parler dans le titre disons que le SaaS est une forme d’ASP, qui concerne souvent des applications de types CRM voire ERP, le tout étant de plus en plus proposé en CLOUD. Voilà histoire de vous remettre dans le bain. Rassurez-vous l’objet de mon discours sera moins abscons. Étant donné que je baigne particulièrement dans ce sujet ces temps ci, je me suis laissé dire qu’il ne serait peut-être pas plus mal de poser quelques grandes idées concernant ce que l’on appelle le « Software as a service » ou SaaS.

Le SaaS consiste à proposer l’utilisation d’un logiciel non sous la forme d’un produit mais d’un service. Mais derrière ce concept simple se cache avant tout un modèle économique. Le SaaS est une nouveauté dans la manière de vendre du logiciel. Car d’un point de vue technologique on ne peut pas parler de révolution. Le fait de pouvoir accéder à un logiciel et l’exécuter à distance depuis un serveur, cela n’a rien de bien nouveau. Alors qu’en est-il du droit dans tout cela ?

Sincèrement, j’ai vu déjà pas mal de modèles économiques nouveaux, étranges et fascinants à la fois pour dire que le problème est souvent avant tout d’adapter le contrat au besoin de l’activité. Le SaaS ne fait pas exception à la règle a priori. J’ai eu récemment à présenter mon point de vue sur le cadre juridique de cette activité devant des éditeurs rhône-alpins, et préparer une telle intervention est l’occasion de faire un petit bilan sur ses propres expériences spécifiques pour en tirer des conclusions d’une plus grandes portée.  Le fait est qu’en me livrant à cet exercice, je me suis d’abord rendu compte d’une évidence : il est difficile de définir le périmètre du SaaS et ce faisant il devient terriblement difficile de disserter dessus !

Alors je me suis juré de faire simple avec des mots simples. De mon point de vue de juriste, le SaaS se caractérise d’abord par le fait qu’il s’agit d’un contrat « clé en main », dans la mesure où le client attend une solution rapide à déployer pour gérer pour offrir un outil à ses commerciaux si l’on prend l’exemple d’un logiciel de gestion de la relation client. Le client souhaite s’affranchir des solutions plus lourdes à mettre en place, notamment en terme d’investissements. Le SaaS se veut léger, simple, moins onéreux, flexible, et cela doit bien se voir dans le contrat que diable !

En réalité le client SaaS veut du résultat. Je pense que tout est là, à la réflexion. Tout le contrat va tourner autour de la disponibilité des services offerts.  Donc je dirais que l’aspect distant du service joue ici essentiellement.  Bon certes, certains me diront que la distance conditionne aussi une multitude de points comme le niveau de sécurité ou la question du traitement des données à caractère personnel (non tous ces points ne seront pas abordés dans ce billet :) ).

Il n’y a plus de questions de dimensionnement des ressources matériels chez le client, il n’y a plus d’obscures problèmes de ralentissement, il n’y a plus de surprises lors de ma montée en charge, tout se résume à une connexion et à un droit d’accès à un service de type extranet. Si le contrat ne reflète pas cette simplicité, j’ai envie de vous dire que ce n’est pas vraiment du SaaS, c’est autre chose.

A bien y penser, l’autre aspect qui va impacter lourdement le contrat dépend à mon sens de la relation commerciale qui va s’établir entre le client et le prestataire/éditeur.  Ne prenez pas cela pour une règle absolue mais j’ai le sentiment que le client du SaaS est lui aussi plus « immatériel ». Dans l’acronyme SaaS, on parle uniquement du modèle économique côté éditeur mais on pourrait tout autant parler de « Client as a Service Consumer  » (sortez vos CaaSC ? ! :) ) ?  Le client consomme du service et n’achète plus rien. En contre partie, en quittant le service il n’a plus rien. Le client devient plus volatile car moins dépendant d’une solution qui a été plus légère et moins coûteuse à déployer, mais bien plus encore qui ne suppose pas d’amortissement puisqu’il n’y pas d’achat de matériel ou de licences …

Ah diantre les licences, j’allais oublier cette affaire là. En mode SaaS, le client ne va pas acheter de licence  puisqu’il  n’exécute pas une reproduction du logiciel mais un service dont le code informatique est en général reproduit sur un serveur informatique dont le client n’est pas propriétaire.  Certains vous diront qu’il faut tout de même concéder un droit d’utilisation sur le logiciel. A ceux-ci je dis qu’effectivement la concession d’un tel droit ne peut pas faire de mal mais que cela me semble gravement inutile eu égard à la rédaction du code de la propriété intellectuel français. Après, sincèrement comme j’ai les genoux qui claquent comme tout le monde, il m’est arrivé de prévoir un tel droit histoire de faire comme les copains. Reste que c’est inutile. A tout le moins fiscalement parlant je déconseille au client du SaaS de considérer qu’il a fait l’acquisition d’une licence logiciel. Je ne conçoits pas que le fisc puisse estimer la souscription à un service SaaS comme une immobilisation incorporelle. D’ailleurs, les conséquences fiscales sont nombreuses puisque le fisc, en matière de TVA, distingue le logiciel standard du logiciel spécifique considéré comme une prestation de service. Oui mais voilà le SaaS est un logiciel plutôt standard (donc plutôt un bien) fourni comme un service…

Enfin, dans tous les cas, il devient plus complexe de faire payer d’onéreuses licences et la maintenance associée. Zut ! La maintenance… Dans mon idée la maintenance matérielle et logicielle sera incluse dans le coût du service qu’il s’agisse d’une maintenance corrective,  évolutive,  adaptative.  Il faut distinguer néanmoins selon que l’offre vise un certains nombre de fonctionnalités (une version d’un logiciel) ou le service en général. Pour ma part, le vrai SaaS rejoint ce dernier cas. En résumé, les montées de versions se font dans le cadre d’une amélioration constante des fonctionnalités des services, tout comme les ressources matérielles allouées s’ajustent aux besoins. Tout cela doit se faire avec fluidité, même si des variations de tarifs semblent inévitables sur la partie matérielle mais rien qui ne puisse pas se définir à l’avance au contrat. C’est réellement dans cette hypothèse que le contrat SaaS peut revêtir ses particularités, car tout converge alors vers le résultat : la fourniture constante d’un service de qualité.  Il n’y a pas échappatoire pour le fournisseur de la solution. Tout doit fonctionner. Les utilisateurs doivent se connecter et oh tiens, ça marche ! Oh tiens une nouvelle fonctionnalité est apparue depuis hier!

Tout cela fait donc que le client vient plus vite et peut partir plus rapidement aussi ce qui doit nous faire penser à organiser de manière très avancée les conditions de la réversibilité. Il va falloir plaire au client ou le perdre rapidement et la résiliation doit être encadrée comme un évènement particulièrement courant et non marginal comme cela est souvent le cas dans les contrats orientés vers l’organisation de l’exécution normale.

En résumé, le vrai SaaS remet en cause le rôle de Directeur des Systèmes Informatiques… Mais non je plaisante les gars, les boites auront toujours besoin de vous… pour choisir leur solution SaaS, le meilleur moyen de l’héberger…

Je savais que j’oubliais un truc : l’hébergement. Cloud  ou pas Cloud ? J’abandonne ! Ce billet devait être court. Ce sera pour une prochaine fois.

Bien, il semble que le contrat SaaS soit plein de surprises au bilan. Il s’agit manifestement d’un contrat complexe, phénomène amplifié par la grande variété du contenu des offres SaaS, qui obligeront une adaptation du contrat à chaque cas.

Gérald SADDE – un Avocat, SaaS use que si l’on s’en sert ! :) (j’ai envie de la faire depuis le début !!)

 

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Ami blogueur tu es aussi producteur : pas de chance !

keyboard - panic © Jonny McCullagh #1301249

keyboard - panic © Jonny McCullagh #1301249

Attention, les mains sur les buzzeurs, tout le monde est prêt ? Question juuuriiiidique :

 » On pourrait dire que je suis tout en bas de la cascade; je ne suis pas défini par la loi sur la presse mais on parle aussi de moi en matière de base de données et  d’œuvres phonographiques;

Buzzzz de Me Roche : ma concierge  :) ?

Non (regard noir) ! … Je suis plus connu du grand public en matière de cinéma;  je suis celui censé ramasser le plus d’oseille dans l’affaire….

Buzzzz de Me Brunet : Bernard TAPI ?

Non ! … Je suis celui qui a l’initiative  de la production d’une œuvre ? Je suis, je suis … le PRODUCTEUR !!!

C’était simple pourtant. Enfin simple en matière de production audiovisuelle ou phonographique  on s’en rend compte. Car en matière de création de site internet la notion est particulièrement rare à ma connaissance. En fait, j’avoue m’être intéressé à cela en septembre 2009 seulement à l’occasion d’un jugement du TGI de Paris en matière de responsabilité du directeur de la publication de site internet.

Depuis 2004, on ne parle quasiment que de la distinction entre hébergeur et d’éditeur. Alors que ce premier problème est loin d’être réglé, un nouveau apparaît déjà au sein même du régime des éditeurs et il s’annonce totalement épineux. Tellement épineux que lors de mon rapide commentaire du jugement du 9 octobre 2009, Carl Z c/ Claire C, j’avais pris un incroyable soin à éviter d’aborder la question :) Il faut dire que les magistrats semblaient eux-mêmes gênés aux entournures.

Pour faire simple, il était question à l’époque de trancher la question de la responsabilité du créateur d’un site autorisant la mise en ligne de commentaires par les internautes, en résumé un site comme il y en a des millions (comme celui-ci). Or, depuis juin 2009 et la modification de l’article 93-3 de la loi n°82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle le directeur de la publication d’un tel site bénéficiait d’un régime de responsabilité limitée semblable à celui des hébergeurs. Et notre directeur devait manifestement bénéficier de ce régime. Voyant cela, l’ingénieux confrère défendant le demandeur décida de jeter de l’huile sur le feu. Perdu pour perdu autant brouiller les cartes en sortant de sa manche le jocker, la carte « producteur ». Comment cela fonctionne ? Et bien c’est très simple, vous prenez une loi mal ficelée, vous ajouter un avocat qui sait lire, vous liez jusqu’à obtenir un statut de producteur bien mousseux et vous en nappez votre directeur de la publication intégralement pour qu’on ne le reconnaisse plus.

J’arrête les métaphores culinaires : en soutenant que le directeur de la publication était en fait le producteur du site, le demandeur souhaitait priver le défendeur du régime protecteur nouvellement instaurer.  Le producteur lui a toujours tort, il est toujours responsable et ne peut s’exonérer des faits reprochés, même s’il n’en a aucune connaissance. Le vrai problème était donc de savoir si notre directeur de la publication était bien aussi producteur. En l’absence de définition légale dans la loi sur la presse, l’exercice devient délicat. En octobre 2009, les magistrats ont habilement botté en touche sur cette question en disant en substance que si l’on commençait à dire que tous les directeurs de publication de site web étaient aussi le producteur de celui-ci, la réforme visant à protéger les directeurs de la publication risquait d’être vidée de sa substance. Comprendre : « foutez nous la paix avec votre producteur vous voyez bien que le texte est foireux et que ça ne s’applique pas là, et puis d’abord on est magistrat et pas vous. Donc si vous voulez dire le contraire allez en appel en apportant la preuve qu’il y a des circonstances exceptionnelles qui justifient un cumul de la qualité de directeur de la publication et de producteur pour une même personne. En attendant le gars qui nous dit qu’il est Directeur de la publication, on le croit ! »

La carte du producteur était donc bien tenté mais difficile à faire passer jusqu’à l’arrêt de cassation du mardi 16 février 2010. Je vous laisse en lire l’ultime considérant :

« Mais attendu qu’en statuant ainsi, alors que, ayant pris l’initiative de créer un service de communication au public par voie électronique en vue d’échanger des opinions sur des thèmes définis à l’avance, Alain Y… pouvait être poursuivi en sa qualité de producteur, sans pouvoir opposer un défaut de surveillance du message incriminé, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; »

Les choses se corsent puisque la Cour de cassation vient tout bonnement de donner une définition de ce qu’on doit entendre par producteur en matière d’internet. Et en ce qui concerne un blog, comme dans cet arrêt,  il suffirait donc d’avoir l’idée de le créer pour en être le producteur et se voir appliquer le régime le plus intransigeant de tous en matière de droit de la presse.

Quelques remarques à chaud me viennent. Tout d’abord notre blogueur ne semblait s’être désigné comme directeur de la publication dans son site. Cela peut sans doute éviter de laisser le doute, mais je doute que cela suffise à écarter réellement le risque puisque le statut de producteur peut toujours se constater et être appliqué cumulativement à celui de directeur de la publication.  Ensuite, il faut dire que la création d’un site ouvert aux contributions n’est pas coûteux et que les cas où l’on ne peut distinguer le directeur du producteur représente la majorité des sites amateurs. Dès lors, j‘ai le sentiment que cette vision très stricte de la loi aboutit à vouloir trouver un producteur là où il n’y en a parfois pas. Enfin, il en découle que seuls les sites professionnels disposant d’un vrai directeur de la publication distinct du producteur, souvent son employeur, vont pouvoir bénéficier de l’application du régime protecteur du nouvel article 93-3 de la loi de 1982.

Du coup, je reviens sur ce que j’écrivais fin 2009 pour de nouveau encourager tous les blogueurs a procéder à une modération a priori. En effet cela ne vous désignera toujours pas plus comme responsable en tant que directeur de la publication mais cela peut vous éviter des ennuis en tant que producteur.

Gérald SADDE – Avocat, directeur de sa publication et Producteur de ce blog j’en ai bien peur.

 

 

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